Pierre Loze - "Re-connaître",
Bruxelles, mai 2013







Re-connaître

Publié au moment de l'exposition Entre-deux, Galerie XXL Art on Waterloo503, Bruxelles, 2014


Dans le contexte d‘un art contemporain dont elle s‘informe et n‘ignore rien, Françoise Vigot a entrepris un travail pictural à caractère figuratif. Il ne s‘agit pas d‘une attitude de replis ou de passéisme, mais d‘une prospective de la représentation, patiente et obstinée, qui interroge à la fois le mode d‘apparition des choses et les origines de la peinture.

Dans une série de tableaux monochromes bleus, rouges ou gris, intitulée Portrait, elle est allée sur les traces d‘un des fondateurs de la peinture occidentale : Jean Van Eyck, dans le portrait des Arnolfini. Elle a observé dans une sphère plastique réfléchissant les reflets de son atelier, et les a rendus dans des œuvres de formats variés, en adoptant un grand nombre de positions différentes.
Les images qui ressortent de ce dialogue avec les ombres et la lumière, nous suggèrent une sorte de dédale poétique. Elles évoquent un affrontement avec les apparences, en même temps qu'elles nous rappellent le mythe de la caverne de Platon. La photographie qui régit de plus en plus notre relation à la réalité nous donne souvent la sensation de vivre dans un monde parfaitement objectivable. Les tableaux de Françoise Vigot lui restituent tout à coup tout son mystère en même temps que le sentiment de la subjectivité de nos perceptions.

Les peintures auxquelles elle travaille à présent, Pièces de curiosité, explorent par d‘autres voies une problématique semblable. Elles nous montrent comme suspendus dans le vide, au centre d‘une vaste feuille blanche, de petits objets qui sont des productions de la nature, fruits, noix ou bogues. Leur représentation extrêmement minutieuse évoque un affrontement non moins obstiné avec le mode d‘apparition des manifestations de la vie.
Plus on s‘approche de ces représentations pour les regarder, plus elles semblent s‘ouvrir sur une profondeur infinie et mystérieuse, entraînant dans leurs replis nos pensées sur la complexité du monde. Et le vieux thème de la représentation artistique, évoqué par Pline l‘ancien concernant Apelle nous revient: nous voilà, innocents, presque comme les oiseaux voulant picorer les raisins.

Cet art qui recroise la réflexion des Anciens est exigeant et demande un spectateur particulièrement attentif. Un regard pressé pourrait passer à côté et conclure qu‘il s‘inscrit dans la tradition des exercices académiques. Nous sommes plutôt dans celle de la philosophie.