Françoise Vigot - "Mes installations et sculptures",
Caen, 1997







Mes installations et sculptures

Réflexions personnelles sur mon travail, Caen, 1997


On oublie que la première limite naturelle est celle de notre corps.
La deuxième est l‘horizon. Naturellement contenu en nous, il nous contient. On ne peut voir plus loin, il bouge avec nous.
Si on pouvait accéder à tout et tout voir, on ne bougerait plus. Le temps deviendrait instant.

Parfois, les murs rigides et statiques semblent avoir bougés.
Par l‘intermédiaire des chaises par exemple, ils bougent. Dans leur traversée, les spectateurs doivent se confronter physiquement à elles, les déplacer pour se frayer un chemin déterminants leur propres circulation. Libre à chacun de re-déterminer son espace. Ils choisissent et agissent sur leur environnement.

Mes installations sont des installations à vivre. Le spectateur est invité à les parcourir, dans la traversée de chacune d‘elles, différents niveaux de lecture. Ressentis, ils participent à une approche et à un déplacement propre, immergé tout entier dans un monde qui lui parle du sien ou immergé dans son monde qui lui parle d‘un autre. Il y a révélation.

Mon travail continue de repousser les limites de la surface pour faire advenir de l‘espace vide, un espace de voyage et d‘expérimentation. Initialement choisis pour leur caractère architectural (comme la Boîte à fusibles et son double ou encore l‘Installation au lavabo), les objets sont un prolongement direct des bas-reliefs Relief1, et haut-reliefs réalisés en 1995.
Ce sont des intermédiaires entre le lieu et notre corps. Sortes de prothèses, ils accentuent le sentiment d‘espace clos et y intègrent la possibilité d‘un souffle, d‘une respiration.
L‘installation est là, à perte de vue. Elle est à la frontière de deux mondes se réfléchissant: celui du visible et celui du sensible. La traversée est là.
Notre champ de perception s‘élargit. On dépasse le cadre qui nous est donné à vivre.

Toute l‘organisation architecturale (sa nature, sa fonction) est remise en question. Le lieu semble se prolonger au-delà de la surface des murs devenus fiction. Il n‘y a pas de volonté de se démarquer du spectateur, d‘où l‘utilisation d‘objets usuels. Mais que ce soit le lieu qui s‘en démarque.

Mes installations entretiennent volontairement un caractère plus ou moins discret. Elles ont une lecture plus immédiate avec le lieu, une approche en fondue…
L‘environnement proposé est crédibilisé pour mieux déstabiliser la structure initiale du lieu, le spectateur.
Il est mis en condition dans ce qui fait appel à son vécu et à son quotidien.

La notion de déplacement est liée à l‘idée d‘un mouvement ininterrompu du temps. Tout est pour moi en attente, en passage, en devenir. La durée fait naître une Epaisseur. Elle est présente comme une sculpture, l‘œuvre du temps avec un toucher.
Les lieux choisis intègrent cette donnée : un couloir pour l‘Installation au lavabo ou pour l‘Installation sonore, ou une salle à multiples entrées/sorties pour l‘Installation aux chaises. Ceci est évident dans l‘Installation vidéo, où le spectateur confortablement assis entreprend une plongée voyeuriste au travers de l‘espace télévisuel.

Considérée comme une succession de plans, l‘architecture construit aussi bien des intérieurs qu‘elle modifie les extérieurs. Elle encadre et modèle l‘Homme. Dans Chantier, l‘épaisseur des murs sature le vide à l‘intérieur. Un va et vient constant du regard s‘installe entre intérieur/extérieur (Qui définit quoi?).